C'est un voyage tout à fait ordinaire
Chacun son voyage !
J'avais préparé depuis le départ quelques notes que j'avais classées sous “La Velicita c'est aussi ça !”
La lecture d'un n-ième article de voyageurs à vélo dans un magazine choyé des auto proclamés alter-cyclistes (comme si le vélo était unique…) en a accéléré la publication.
Cette désagréable impression que tous les voyages, lorsqu'ils sont couchés sur le papier, se ressemblent. La sensation d'un grain de terre sous la dent en mangeant ces épinards ou ces poireaux que je n'arrive jamais à nettoyer.
“La liberté, se sentir vivant, intensément. Être infiniment riche de son dénuement”.
Voilà le vocabulaire de partage du voyage à vélo. Un prisme, un filtre qui ne dit pas son nom. Il s'impose insidieusement mais avec force et autorité à l’itinérant à deux roues qui raconte. Et quelque part aussi au lecteur qui dévore. Par cette attente inconsciente et a priori d'évasion et de rêve lorsque j'entame la lecture du récit d'un voyageur. Comme un dogme qui emprisonne sans que je n'en ai conscience. Comme une certaine altération de la vérité, aussi.
N'avez-vous jamais ressenti ce petit frisson d'agacement en lisant ces récits (mes récits) ou tout est beau et merveilleux ? Cette forme de romantisme un peu bourgeois, voire aristocratique, de ces nouveaux dandys qui abandonnent tout pour renouer avec la nature, braver et surmonter l'inconfort de l’itinérance pour se sentir vivants. Se sentir vivant surtout en le criant au monde entier.
Comme un dénigrement de ce que sont les autres, au mieux de ce qu'est leur vie, enfermés dans un quotidien étriqué.
Cette impression que c'est parfois un peu forcé aussi… Une aventure dénaturée. Des concepts soyeux et riches, des principes philosophiques, des mots bien choisis, des situations sélectionnées… Le récit d'une vie belle et pleine, la seule qui vaille le coup, la “VRAIE vie” ! Comme une leçon dispensée, magnanime, au monde que l'on a quitté.
Chacun son aventure et sa place, sa façon de raconter. Je ne porte aucun jugement. Lecteur ce matin je me suis juste dit comme une prise de conscience que je ne voulais surtout pas que mon partage ressemble à ça.
Oui il faut inspirer, partager la joie, les rencontres. Éclairer les journées par un peu d'extra-ordinaire, comme une fenêtre ouverte qui troue le quotidien balisé de nos vies bien organisées. Oui il faut susciter l'envie, dire que c'est accessible. Montrer que tout est possible et que tous nous avons ce pouvoir d'exister dans nos vies. Mais pour chaque être cette existence sera différente.
Un chemin pour chacun
Une simple balade, une lumière qui réchauffe, un arbre que l'on enlace, un projet que l'on délivre à temps, une signature gagnée à l'arrachée, un contrat bien négocié, un légume que l'on fait pousser, un bonus, une promotion que l'on obtient. Les moteurs sont propres à chacun. Pas besoin de radicalité, pas besoin de se confronter aux éléments. Nos vies, uniques et singulières, nous offrent chaque jour de nombreuses possibilité de nous réaliser.
Moi pour un temps c'est un voyage à vélo. Un simple voyage à vélo. Il ne faut pas y chercher une quête ou un chemin intérieur ou philosophique. J'avais juste envie de rouler, d'être dehors toute la journée, de partager la route avec Maréva, de rencontrer, de voyager. Je ne vis pas plus intensément ou mieux qu'avant, j'ai simplement une vie, un quotidien différents.
Je me perds… C'est le piège de l'écriture spontanée.
Ennuyé par la lecture de ce récit édulcoré dont je parle au dessus je veux aussi partager avec vous ma toute petite expérience de mon voyage, sa face cachée.
La liberté
Le plus souvent la liberté résonne dans mon tête comme une absence de contrainte. Une forme conceptuelle et chimérique d'un esprit et d'un corps livrés à eux mêmes.
Et bien sous cette définition de la liberté alors il faut casser le mythe je n'ai jamais autant vécu sous contrainte que depuis que je suis parti. Soumis aux aléas de la météo, sans refuge, tenu sans répit par des obligations relationnels lorsque l'on est chez des amis, intégrant les règles dictées par le duo formé avec Maréva… Dépendant totalement de la mécanique de mon vélo. La contrainte est forte et permanente, il ne faut pas se leurrer.
Par contre si l'on sort du concept pur de la liberté et si l'on regarde du point de vue du choix alors oui je suis libre d'avoir choisi mes propres contraintes. Mais n'était ce pas déjà le cas avant, lorsque j’acceptais, avec plaisir, ma condition de cadre en entreprise?
Les belles routes
On partage de belles photos, oh oui la France est belle !! Mais il y a aussi les journées entières sans intérêt à traverser une longue plaine monotone. Collé, réfugié sur le bord d'une route fréquentée.
Les immondis qui jalonnent les routes |
Serrer à droite, lutter contre cette bande blanche en s'imaginant que l'on peut la faire dévier pour se retrouver sur un petit chemin bucolique.
Il y a aussi ces journées entières dans le froid ou sous la pluie, à ne voir aucun paysage, à ne croiser aucune personne dehors.
Est ce que l'on se sent plus vivant d'avoir traversé une telle journée et de telles conditions? Pour ma part non. J'ai même plutôt cette impression d'avoir un peu galvaudé mon voyage. Parce que personnellement mon moteur c'est le plaisir. Pas celui d'avancer à tout prix, celui d'être bien dans l'instant, chaque moment. Pas la satisfaction d'une arrivée non, le plaisir immédiat du chemin.
La vie partagée
Oh que ce duo est beau ! J'ai eu l'occasion d'écrire dessus.
Mais comme dans toute communauté il y a aussi des difficultés. Les choix, la responsabilité, le sentiment de culpabilité parfois. Les prises de tête, les intolérances, les incompréhensions. Oui tout cela existe. Ça n'enlève rien à la force, à la puissance et au plaisir du duo mais c'est aussi notre réalité.
On doit parfois attendre que les gens soient disponibles pour nous |
L'itinérance, sève de la vie
Se lever chaque jour dans un nouvel et merveilleux endroit. Profiter de chaque levé et couché de soleil.
Ce n'est là encore qu'une partie de la réalité. Il faut parler des bivouacs à l'arrache. De la tente posée à la hâte dans un champs inconfortable, au bord d'une route passante ou sous la tempête et le déluge. Et parfois des 4 réunis.
Au milieu d'un champs, au bord d'une route, sur un sol désagréable et sous la tempête |
Parler aussi des levers la tente gelée à l'intérieur, du couché dans une flaque d'eau le lendemain d'un bivouac mouillé. Du soleil que je ne vois pas se coucher, emmitouflé jusqu'au bout des cheveux dans mon sac de couchage dès 18h pour me tenir au chaud…
Je pourrai continuer, encore et encore...
Cela fait 6 mois maintenant. Et après 6 mois je voulais vous dire que La Velicita c'est beau, c'est intense, c'est enrichissant humainement, c'est un partage, une envie intacte.
Mais La Velicita c'est aussi ça! Ce que vous n'avez pas lu dans nos écrits et ce que je ne lis jamais dans les récits qui me sont proposés.
Je trouve ça dommage. Sans rien enlever, c'est aussi ça notre réalité, cette réalité que je souhaite partager.
Un certain ordinaire...
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