Leçon de vie
J'avais tout prévu. Tout écrit déjà dans ma tête. Ça m'a occupé pendant un moment sur le vélo. L'article devait s'appeler “Ce moment où j'ai craqué”. Trop égocentré je m'étais perdu.
Leçon de vie.
Je devais vous parler de ces gouttes que je sentais couler le long de mes joues. Ces larmes dont la tiédeur tranchait avec la saisissante fraîcheur de la pluie. Ce moment où j'ai cédé au doute.
3 jours de pluie quasiment ininterrompu. Mon vélo blessé, handicapé, meurtri. Des longs cols à montrer, dont un à 2 600m, des montées sèches à plus de 10%. Avec une seule pédale, sans pouvoir se lever de la selle.
Ce n'est qu'un détail... Et pourtant ! |
Ma tente, Emma, mouillée, trempée, jamais séchée. Cette piste transformée en toboggan de boue.
Ces chiens venus goûter mes mollets, apparemment tendres et juteux, juste sous les yeux de leur maître qui n'a pas bronché. Ces conducteurs qui vous éjectent littéralement de la piste. Les mêmes qui vous arrosent de seaux d'eau sur la route inondée en vous croisant ou en vous dépassant. Ce clou venu transpercer le flanc de mon pneu et déchirer ma chambre à air.
3 jours intenses.
Oui, cet après midi j'ai craqué. Je me suis demandé pourquoi. Pourquoi autant sur si peu de temps ? Pourquoi dans ces conditions (boucle engagée, dans la montagne, pas de ville pour réparer, sous la pluie…) ? Pourquoi continuer...
Pourtant jusqu'à ce moment où j'ai senti sur mes joues le lit tiède de ces larmes je n'avais pas bronché. J'avais traversé ces moments avec bonheur, le coeur et les yeux grand ouvert. Je me suis régalé des paysages, émerveillé de tout plein de petites choses. Des fleurs, des signes, ce poulain qui n'avait au plus que quelques heures... J'ai été conscient tout de suite de la chance incroyable de rencontrer Rocio sur la route. Il faudra que je vous en parle !
Rocio devant le glacier |
J'ai souri à tout le monde, y compris derrière ma capuche. Levé les bras pour saluer, même trempés, même cramponnés au guidon pour ne pas tomber. Alors pourquoi ?
Est ce que c'est parce que je suis parti seul, que j'ai quitté Maréva ? Est ce que c'est parce que j'ai été parfois infect avec elle ?
Cet instant où le doute m'accable ne dure pas longtemps. Peut être 1 ou 2 minutes. Le temps de rassembler mes pensées. J'ai choisi d'être là, vous êtes derrière moi, il n'y a pas de danger… Mais c'est intense. Presque à me faire vaciller.
Voilà cet article devait décrire cet instant où j'ai craqué.
Le sens des choses
Mais ce soir, grâce à Tamuna, mon amie géorgienne, j'ai rencontré encore des gens merveilleux. Mon vélo est réparé. J’ai pu me doucher et je dors au sec.
Ce soir devant la TV j'ai compris le sens de ces 3 jours. J'ai vu les infos. Vu les inondations, les routes coupées, les maisons dévastées, les familles isolées.
Tout à un sens dans l'Existence. Le sens de ces derniers jours s'est enfin révélé : me remettre à ma place ! Moi qui n'était que mouillé. Comment ai je pu à ce point me fourvoyer, m'enfermer juste dans ma petite personne ?
Je voulais sortir de ma zone de confort, c'est l'humilité qui m'a flanqué une bonne grosse claque dans la gueule. J'ai été remis à ma place.
J’en avais besoin.
Et j'y suis bien !
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